Le cabinet des curiosités de la comédie musicale

Vincent Montagnana
23 min readMay 24, 2020

Lecteur cinéphile avide de recommandations d’esthètes du septième art abandonne ici tout espoir.

Bienvenu au neuvième Cercle de l’Enfer des comédies musicales les plus obscures, les plus déviantes, bizarroïdes, chelous, ou tout simplement les plus mauvaises, ceux que la postérité a plus ou moins décidé de faire sombrer dans l’oubli, mais que mon petit cœur de lover ont décidé de réhabiliter… Ou pas. Ici on est pas chez Télérama : pas de Stanley Donen (y en a pas), de Jacques Demy (y en a pas non plus… pour le moment) ou de Vincente Minnelli (y en a mais pas ceux auxquels tu penses), juste la crème de la crème du nanar dégénéré ou du classique le plus zarbi.

Have fun!

Brigadoon

Vincente Minnelli, 1954

Brigadoon est le nom d’un charmant petit village écossais du XVIIIe siècle sous l’influence d’une malédiction qui emprisonne ses habitants et leur fait faire des bonds temporels de cent ans, chaque jour, à minuit. Lorsque deux touristes américains du XXe siècle débarquent totalement par hasard dans cet endroit magique dont l’entrée est masquée par un épais brouillard, le village a déjà fait un time warp de deux siècles. Ce qui signifie qu’il est sous l’emprise du sort de confinement depuis tout juste deux nuits (je ne sais pas si tout ça est très compréhensible, je fais de mon mieux pour te l’expliquer clairement). Hé bien figure toi que la seule préoccupation des habitants de Brigadoon (les brigadouniens ?) à ce moment-là de l’histoire, c’est un mariage à la noix. PERSONNE ABSOLUMENT PERSONNE ne se soucie du fait que d’ici une semaine le village aura fait un bond de SEPT SIÈCLES dans le futur. Et si on considère qu’un être humain a une durée de vie moyenne d’environ 70 ans, une personne qui resterait prisonnière son existence toute entière à Brigadoon passerait en réalité sur Terre (allez hop on prend sa calculette) 365 jours fois 70 ans = 25550 SIÈCLES !!! DEUX. MILLIONS. D’ANNÉES. (et demi). C’est tout simplement vertigineux. Mais revenons à nos moutons Shetland…

À l’origine, Minnelli est censé tourner Brigadoon en Écosse. Malheureusement, une météo particulièrement peu clémente contraint le réalisateur à se résoudre à tout filmer en studio. Résultat : Brigadoon dégage une odeur fort prononcée de carton pâte. Alors certes le carton pâte de l’âge d’or Hollywood ça a quand même de la gueule, surtout quand c’est réalisé par Minnelli : les décors sont somptueux, les matte paintings magnifiques, et l’atmosphère un peu factice colle de toutes façons plus ou moins à l’aspect conte de fées romantique. Malgré tout, le film sombre assez souvent dans le gros kitsch qui tâche, entre costumes criards, acteurs qui rrrrrrroulent outrageusement les ‘rrrrrrrr’ pour imiter l’accent écossais, et une intrigue longuette et soporifique à base d’amour impossible entre Gene Kelly et Cyd Charisse.

Blanches colombes et vilains messieurs

Joseph L. Mankiewicz, 1955

Derrière ce titre français au charme si suranné se cache Guys and Dolls, une improbable comédie musicale réalisée par Joseph L. Mankiewicz, un cinéaste touche-à-tout mais jusque là plutôt versé dans le cinéma intello et cérébral. En co-vedette avec Frank Sinatra, c’est Marlon fucking Brando himself qui vient nous pousser la chansonnette. Ha oui ça titille forcément un peu la curiosité. Alors, comment nos deux compères pas forcément portés sur la gaudriole et la ritournelle s’en sortent-ils ? Ma foi, sans surprise, pas méga super bien. Mankiewicz n’est manifestement pas très à l’aise avec le genre, filmant platement les parties dansées pourtant très (trop ?) expressives (à la limite du clownesque), et ne parvient jamais à mettre en valeur le décor très théâtral et graphique de Times Square reconstitué en studio. En clair, en dehors de la cartoonesque chorégraphie d’intro, ça pique souvent les yeux. On est pas chez Minelli, et ça se voit. Quant à Marlon Brando, hé bien disons qu’il chante plutôt juste et que sa voix nasillarde est relativement agréable à entendre, même si forcément beaucoup moins que le timbre de velours de Sinatra. Par contre, son potentiel de rigolo-pouët-pouët reste encore à perfectionner.

En dehors d’une vigoureuse scène de baston dans un bar cubain, le film, qui raconte les amours contrariées entre deux gangsters, une danseuse de cabaret et une grenouille de bénitier, ronronne gentiment jusqu’à son final très-très catholique, avec des mafiosi repentis en transe born again dans un local de l’Armée du Salut, et un double-mariage bien religieux célébré au beau milieu des avenues de New York (ça a du créer de sacrés embouteillages lol).

Costumes de chats et comédie musicale ne font pas forcément toujours bon ménage

Bye Bye Birdie

George Sidney, 1963

Soyons honnêtes : je n’aurais probablement jamais entendu parler de cette comédie musicale des années 60 sans Mad Men. Dans l’épisode 2 de la saison 3 de la série, Don Draper et ses collègues de l’agence de pub Sterling Cooper obsèdent sur la scène d’intro du film, au cours de laquelle l’adorable actrice d’origine suédoise Ann-Margret entonne la chanson-titre d’une voix de canard en se trémoussant devant un fond bleu uniforme. À part ce merveilleux générique à l’esthétique effectivement très publicitaire, Bye Bye Birdie ça parle de quoi ? Hé bien plus ou moins de la période de la carrière d’Elvis Presley qui précède son départ pour l’armée. Rebaptisé Conrad Birdie dans la comédie musicale, le chanteur de rock pour midinettes doit enregistrer une dernière prestation télévisée pendant l’émission d’Ed Sullivan avant de partir faire son service militaire. Après avoir chanté son nouveau tube, il accordera un baiser langoureux à une jeune admiratrice sélectionnée au hasard parmi les membres de son fan-club. Un événement qui va bouleverser la petite routine de l’héroïne (Ann-Margret) et de son boyfriend moyennou enthousiasmé à l’idée que sa copine se fasse galocher par l’idole des jeunes devant toute l’Amérique profonde. L’enjeu principal est un peu mince, c’est sûr, d’autant qu’une grosse partie de l’intrigue se déroule dans la petite maison de banlieue américaine de la famille d’Ann-Margret, dans laquelle les très nombreux protagonistes du film finissent par se sentir forcément un peu à l’étroit. Mais Bye Bye Birdie possède un indéniable charme teenage, quelques audaces très graphiques de mise en scène (les commérages téléphoniques entre lycéens), et un casting relativement inattendu : en dehors du vétéran du genre Dick van Dyke (en français : “bite de g*uine”), on retrouve une Janet Leigh teinte en brune qui a l’air de s’être retrouvée sur le plateau de tournage sur un malentendu. Et le génial Paul Lynde, acteur (presque) ouvertement gay à une époque où c’était encore tendu du slip et dont l’humour bitchy a fait les beaux jours de la télévision américaine.

« Beuhaille-beuhaille beurre-hi »
Danse du ventre et francs-maçons #kamoulox

Camelot

Joshua Logan, 1967

Alors là, on ne va pas se mentir, mais on commence à attaquer le versant le plus hardcore de notre sélection : Camelot dure trois heures. TROIS. HEURES. Trois heures de comédie musicale sixties, une période qu’on pourrait gentiment qualifier de dark age du genre : on fait face à un monstre, que dis-je, un MASTODONTE d’ennui cyclopéen visuellement somptueux mais devant lequel votre serviteur a désespérément lutté pour ne garder ne serait-ce qu’un seul œil d’ouvert. Pourtant, on ne demandait pas forcément du Michael Bay. Mais il y avait quand même de quoi en faire un truc un tantinet plus épique avec la geste arthurienne.

Que nenni, mon bel damoiseau. Le musical ne se concentre quasiment que sur le triangle amoureux entre Arthur, Guenièvre (ou “Jennifer-han” comme on la surnomme incompréhensiblement dans le film, ce qui sonne tout de suite moins classe) et Lancelot. Quand tu penses qu’en moins de deux heures et demie John Boorman parvenait à raconter toute l’histoire du roi Arthur, de sa conception jusqu’à son décès, ça a de quoi laisser rêveur. Musicalement on part sur de l’opérette modernisée pas toujours très digeste et le casting du film est assez inégal. Richard Harris a constamment l’air de vouloir prendre ses jambes à son cou, et le bel italien Franco Nero est peut-être un poil trop rugueux pour jouer confortablement sur le terrain des amours courtoises. En revanche, Vanessa Redgrave amène pas mal de charme et d’intelligence à son rôle de femme adultère. Et David Hemmings avec sa pure face de faux-jeton est parfait pour incarner le perfide Mordred.

Médiéval et coquin
Monty Python energy

Chitty Chitty Bang Bang

Ken Hughes, 1968

Ian Fleming n’est pas QUE l’auteur des aventures de l’agent 007. Il a aussi écrit Chitty-Chitty-Bang-Bang un livre pour enfants racontant les péripéties d’une voiture aux pouvoirs plus ou moins magique. Déjà producteur des adaptations cinématographiques de James Bond, l’imposant Albert R. Broccoli décide de ne pas lâcher sa poule aux œufs d’or et de porter à l’écran le roman sous la forme d’une comédie musicale très librement inspirée de l’histoire écrite par Fleming. D’où la présence de nombreuses personnalités qui ont approché à des degrés divers l’univers des 007 produits par EON : en dehors de Broccoli, on retrouve Ken Adam (le production designer génial de la plupart des premiers Bond), Roald Dahl (qui a contribué à rendre les Bond définitivement plus camp avec son adaptation très personnelle de On ne vit que deux fois), Desmond Llewellyn (l’interprète inoxydable de Q), et Gert Fröbe (l’inoubliable Auric Goldfinger), pour les plus illustres.

En dehors de cette connexion presque contre-nature avec le lore Bondien, de quelques thématiques chères à l’auteur des 007 (la voiture-gadget, le grand méchant fortuné et mégalo), Chitty Chitty Bang Bang essaye plutôt de surfer sur la vague des succès de Mary Poppins (le contexte historique et géographique, début de XXe siècle british) et de La Mélodie du bonheur (la dernière partie du film tournée en Bavière). Julie Andrews refusera d’ailleurs le rôle principal féminin pour ne pas donner l’impression au public de trop se répéter. On retrouve par contre le joyeux ramoneur Dick Van Dyke, qui vient nous gratifier de ses plus belles mimiques, adorables si tu as moins de huit ans, hyper crispantes si tu te trouves déjà sur la pente descendante et savonneuse de ton existence.

C’est d’ailleurs la grosse limite de ce musical en outre assez charmant : c’est un film pour les gosses, à l’esthétique sixties surchargée, interprété en grande partie par des acteurs britanniques grimaçants qui en font des CAISSES, et qui dure DEUX HEURES ET DEMIE. Je sauve quand même de ce mini-calvaire le personnage terrifiant du child catcher qui aura probablement traumatisé plus d’un chérubin avec son look de gentleman pédophile et son tarbouif en forme de sextoy. Et la présence au casting du comique anglais Benny Hill que les moins de 50 ans ne connaissent sans doute pas.

Un bien jolie valse sur un bonbon qui siffle quand on le suce #titre
Gouzi gouzi kill kill

Jesus Christ Superstar

Norman Jewison, 1973

À l’origine, Jesus Christ Superstar est un opéra rock et Broadway musical composé par Tim Rice et Andrew Lloyd Webber. Oui, Andrew Lloyd Webber, celui-là même qui a commis le terrifiant Cats (on y reviendra) avec lequel ce musical biblique partage cette absence un peu bizarre d’un véritable fil narratif. Jesus Christ Superstar se contente en effet d’enchaîner une succession de tableaux déconnectés des uns des autres qui évoquent les moments clés des derniers jours de la vie du Messie avant qu’il nous fasse le grand écart facial qui sauvera l’Humanité. Bon, si comme moi on t’a obligé à pointer au catéchisme quand t’étais encore jeune et crédule, t’auras quand même pas trop de mal à suivre l’intrigue. Malgré son titre relativement iconoclaste, la comédie musicale est en effet, contre toute attente, assez fidèle aux Évangiles. Et en dehors de quelques familiarités avec la figure du Christ (appelé “Jay-C” par la foule en délire dans le morceau Hosanna), de la représentation très audacieuse de Judas sous la forme d’un mélenchoniste vénère (pléonasme ?), et de la direction artistique qui fait la synthèse improbable entre la culture flower power des années 70 et l’esthétique de folle de Broadway. Tourné en Israël par Norman Jewison (JEW IS SON pardon je fais mon Jean-Luc Godard mdr), le film est à la fois très beau (rien de plus cinégénique qu’un désert, t’as qu’à voir les films de John Ford ou ceux de Neil Breen) et un peu low budget (on voit bien que tout est tourné dans deux misérables ruines touristiques et les costumes font très crafty). +1 tout de même pour l’interprète de Jésus qui a un œil qui dit merde à l’autre.

Une des plus belles chansons du film
Le roi Hérode et sa joyeuse bande de non binaires maquillés à la truelle

Can’t Stop The Music

Nancy Walker, 1980

En 1980, alors que le disco vit les derniers jours de son âge d’or, une bande de petits malins visionnaires décide de produire un film à la gloire des Village People. Une sorte de faux biopic (un fiopic ?) qui raconte, de manière TRÈS romancée, les origines du groupe. Sans surprise, le film, plutôt nanar et totalement à la ramasse niveau tendance musicale, fait un gros flippity-flop à sa sortie dans les salles et récolte un bon paquet de nominations aux Razzy Awards #HOMOPHOBIE. À l’aube des années 80, les mœurs se sont relâchées, certes, mais les gayz ne sont pas encore devenus totalement mainstream. Can’t Stop The Music se contente donc de surfer sur l’imagerie homo, sans jamais évoquer frontalement l’homosexualité. Exemple le plus évident de ce prodigieux tour de passe-passe : Jack Morell, le héros du film, interprété par un jeune et joli Steve Guttenberg. Le personnage est une incarnation évidente de Jacques Morali (le co-producteur homo et frenchie des Village People), représenté ici sous la forme d’un bourreau de travail à la sexualité floue (officiellement hétérosexuel non pratiquant), mais qui vit en colocation dans un grand appart de Greenwich Village avec une fille à p*dés, et l’indien sexy des Village People qui se balade perpétuellement en costume de scène (donc à demi-nu avec sa coiffe de sioux). Pour ne pas perdre le public straight qui doit déjà supporter la vision d’un motard velu en total look cuir-moustache, le film se focalise donc sur le personnage de la colocataire, une top model “à la retraite”, et son love interest, un jeune banquier interprété par #accrochetoiàtonfauteuil Caitlyn fucking Jenner, période pré-transition, qui commence le film en costume trois-pièces et, à force de fréquenter des homosexuels démoniaques, le finit en tank top avec nombril et haut du pubis apparents. Ces deux rôles ont beau se révéler totalement anecdotiques, leur love story éclipse non seulement l’histoire des membres du groupe, réduits à jouer les utilités, mais celle aussi du personnage de Guttenberg. Résultat : en dehors de réjouissants mais peu nombreux numéros musicaux over the top, on s’ennuie un peu.

Le générique du film au cours duquel Steve Guttenberg fait du roller dans les rues de la Grande Pomme en tortillant furieusement son petit boule bien moulé dans un pantalon pattes d’éph’
Une séquence déconseillée aux personnes intolérantes au lactose.

Shock Treatment

Jim Sharman, 1981

Avec Shock Treatment, on débute un triptyque dédié aux suites maudites de comédies musicales à succès. Comme son prédécesseur, le sequel méconnu du Rocky Horror Show s’est tapé un énorme bide en salles, mais n’a jamais vraiment connu par la suite le même statut d’œuvre culte. Pourtant, sur certains points, Shock Treatment est PRESQUE un bien meilleur film que Rocky Horror. Visuellement beaucoup plus abouti, souvent bien mieux réalisé, avec de très jolies idées de mise en scène, Shock Treatment n’a qu’un seul défaut, mais de taille : c’est un énorme foutoir totalement incompréhensible. Certes c’était déjà plus ou moins le cas du Rocky Horror… Mais en plus d’un scénario déjà remanié maintes fois, Shock Treatment a aussi souffert de nombreuses contraintes de production : casting du Rocky Horror réticent à reprendre du service, grève des scénaristes, et surtout un tournage délocalisé en Angleterre alors que le film est censé se dérouler dans une banlieue pavillonnaire texane. D’où cette unité de lieu un peu étrange, dans un gigantesque studio télévisé censé représenter à la fois la petite ville de Denton mais aussi les locaux de sa chaîne locale. Une décision qui sent un peu le bricolage scénaristique de dernière minute et qui ne fait jamais vraiment sens. Même si du coup le film se pose, un peu par hasard, un peu sans le vouloir, comme une critique visionnaire de la télé réalité.

On y retrouve Brad et Janet, les deux héros du Rocky Horror, désormais mariés mais toujours aussi coinços, et en pleine crise conjugale, sous la menace d’un magnat Trump-like de la télé poubelle et de la malbouffe, qui tente de briser définitivement leur couple. C’est la délicieuse Jessica Harper (Suspiria, Phantom of the Paradise) qui reprend le rôle de Janet à Susan Sarandon et lui apporte un côté butch un peu gauche plutôt bienvenu. On ne peut par contre pas vraiment en dire autant de Cliff De Young qui interprète assez mollement Brad (ainsi que son jumeau maléfique). Les amateurs d’humour anglais un peu trashy remarqueront la présence du regretté Rik Mayall (Bottom, The New Statesman) dans un second rôle. Un bon point pour finir : les chansons sont vraiment top, à peine un cran en dessous de celles de Rocky. Malheureusement il manque forcément le grain de folie queer du premier film, et le génie débridé de Tim Curry, pour imposer Shock Treatment comme un inoubliable classique des midnight movies.

You need a bit of WOUH shock treatment!
À bas la société de consommation

Grease 2

Patricia Birch, 1982

Le souci avec cette suite de Grease c’est que soit tu en ignorais totalement l’existence, soit tu en avais vaguement entendu parler comme d’un sombre nanar un peu honteux, un sequel opportuniste privé du casting originel (à deux ou trois rôles de second plan près), une tache indélébile dans la carrière plus qu’honnête de Michelle Pfeiffer.

Alors remettons les choses à plat, comme disent les boomers. Déjà, le premier Grease c’est quand même pas Citizen Kane. Ensuite, cette suite n’est franchement pas aussi atroce que sa réputation peu flatteuse ne le laissait présager. Le film a même récemment connu un tout petit regain d’intérêt depuis qu’il a éveillé l’intérêt d’une partie de la wokosphère, généralement assez sourcilleuse sur les questions de genre. En effet, Grease 2 inverse joyeusement les stéréotypes en reprenant l’intrigue du premier film à l’envers. C’est désormais le personnage féminin principal (interprété avec une crédibilité toute relative par miss Catwoman) qui joue les meufs badass (en blouson lamé rose quand même hein, faut pas déconner) alors que le héros masculin est un angliche un peu nerd sur les bords qui essaye tant bien que mal de se décoincer en apprenant à faire de la motocyclette. En dehors de ce petit touiste féministe-light, des numéros de danse plutôt réussis, et des chansons tout juste potables, Grease 2 sombre malheureusement trop souvent dans la redite un peu paresseuse du film original.

Michelle Pfeiffer nous livre sa plus belle imitation de Joan Jett
Un évident plagiat de Summer Nights pendant un mémorable cours d’éducation sexuelle

Staying Alive

Sylvester Stallone, 1983

Après Grease 2, encore une suite qui n’aurait peut-être jamais du voir le jour. Et encore Travolta. Cette fois, l’acteur scientologue et son fameux anus de menton ne se sont pas laissés piquer leur job par un vulgaire petit minet aux joues glabres et rebondies. Revoilà donc notre bon vieux Tony Manero, le working class roi du disco à la virilité contrariée, cinq ans après La Fièvre du samedi soir. Surprise surprise : Staying Alive est mis en scène tout en finesse par un Sylvester Stallone (!!!) qui à l’époque bénéficiait encore d’une image de gauchiste près du peuple, et qui n’a pas attendu le reboot de Rambo en 2998 pour réaliser des films à la sulfateuse.

Évidemment, en 1983, le disco c’est définitivement mort de chez mort et Tony essaye désormais de devenir danseur professionnel à Broadway. Le malheureux court les auditions entre deux jobs miteux, et finit par obtenir le premier rôle masculin d’un kitschissime ballet sur le thème de l’Enfer, en harcel… en dragouillant la vedette féminine du spectacle, une pimbêche de la haute bien prétentieuse à l’accent british fabuleusement ostentatoire.

Certains nerds tatillons ne manqueront pas de rétorquer que Rester vivant n’est PAS DU TOUT une comédie musicale, puisque les nombreuses chansons de la bande-originale n’apparaissent dans la bande-son du film que de manière purement extradiégétique. Ce n’est pas complètement faux. Mais on le garde quand même dans la sélec’, rien que pour le long climax final avec un John Travolta luisant de sueur en mini-short à moitié déchiré, qui fait des pointes et des triples saltos au ralenti dans un décor infernal totalement gay.

Dante Alighieri likes this

The Pirates of Penzance

Wilford Leach, 1983

Gilbert & Sullivan est un duo de compositeurs d’opéras comiques de l’époque victorienne, l’équivalent anglais, en quelque sorte, de notre Offenbach national, et dont l’humour absurde annonce un peu celui du Monty Python. Au début des années 80, une petite troupe décide de remonter à Broadway un de leurs classiques, The Pirates of Penzance, en le remettant au goût du jour et en y injectant une bonne grosse louchée d’ironie : this was a triumph. À tel point qu’Universal Pictures décide de lancer sur les rails une adaptation cinématographique, avec une prise de risque à minima : à peine plus de trois-quatre décors reconstitués en studio, et comme on ne change pas une équipe qui gagne, reprise d’une grosse partie du casting de Broadway, et du metteur en scène de la pièce pour assurer la réalisation du film. Lorsque l’adaptation de The Pirates of Penzance sort en salles, les critiques sont étrangement plutôt positives. Mais Universal Pictures ayant décidé de la sortir en pay-per-view à la télévision en même temps que dans les cinémas, une grosse partie des exploitants de salles prend la mouche et décide de boycotter purement et simplement le film… qui ira donc rejoindre le Pirates de Roman Polanski, et L’île aux pirates de Renny Harlin au panthéon des films de pirates qui ont fait un énorme four. Depuis, le film est injustement tombé dans l’oubli.

D’un point de vue artistique, soyons francs, The Pirates of Penzance ressemble plus à une captation un peu cheap du spectacle de Brodway pour une diffusion télévisée du samedi soir qu’à un vrai film de cinéma. Mais si tu veux bien fermer les yeux sur la forme un peu scolaire, tu découvriras que l’humour très british de Gilbert et Sullivan n’a quasiment pas pris une ride, servi par un casting de qualité premium : le très choupi Rex Smith (futur héros de la série Tonnerre Mécanique, et oui, la comédie musicale ça mène à tout), Angela Lansbury (la grand-maman détective d’Arabesques), la merveilleuse chanteuse de country pop Linda Ronstadt. Et surtout l’impérial Kevin Kline, absolument hilarant, la chemise BHL ouverte sur un magnifique poitrail velu, qui mérite quasiment à lui tout seul le déplacement.

Ce flow de malade
Les inconvénients d’être né un 29 février

Happiness of the Katakuris

Takahashi Miike, 2001

Ou : La Mélodie du malheur en français. Celui-là je l’avais vu à l’époque de sa sortie en DVD et j’avais trouvé ça hi-la-rant. Dix-neuf ans plus tard il faut bien reconnaître que le potentiel comique de la chose a pris un sacré coup de vieux — ou peut-être que ces gros délires nippons ce n’est juste plus trop mon kif. Happiness of the Katakuris nous raconte l’histoire d’une famille de losers japonais dont le pater familias décide d’ouvrir un bed and breakfast juste à côté d’un terrain vague hyper glauque. Sans surprise, leur petit bizness familial ne fonctionne pas des masses, d’autant que les rares clients qui passent finissent tous par mourir les uns après les autres dans des circonstances plus ou moins étranges (dont une lycéenne aplatie comme une limande lors d’un coït avec un sumo !), puis par revenir à la vie sous la forme de zombies décrépis mais possédés par le démon de la danse.

Comme c’est réalisé par Takashi Miike, un cinéaste très prolifique limite je-m’en-foutiste, le film est visuellement assez cheap, les acteurs chantent moyennement justes et les chorégraphies évoquent plus souvent la kermesse de fin d’année à l’école maternelle de tes rejetons que Busby Berkeley. Gros capital sympathie malgré tout.

Coup de foudre sous les cerisiers en fleurs
L’introduction absolument cauchemardesque du film

Le Fantôme de l’opéra

Joel Schumacher, 2004

Coucou revoilou Andrew Lloyd Webber, dont l’adaptation du roman de Gaston Leroux est considérée, par ses aficionados, comme l’œuvre maîtresse, le plat de résistance, le summum de la comédie musicale à l’anglo-saxonne dans toute son extravaganza. Le moins que l’on puisse dire c’est que son adaptation cinématographique n’est pas à la hauteur du mythe. De Joel Schumacher on pouvait pourtant espérer un sommet de nanar camp, du baroque super-folle, du mauvais goût fluo qui dégouline de la pellicule. Hélas, en dehors de quelques jolis effets de transition lors des flashbacks, et de citations de Jean Cocteau pas piquées des hannetons (le repaire du fantôme, avec ses chandeliers tenus à bouts de bras par des figurants planqués derrière des murs), le film est à la fois très académique et assez brouillon : une caméra hystérique qui fait des loopings virevoltants dans des décors gigantesques et pompiers, ça finit un peu par te refiler une migraine d’enfer. Par ailleurs, je ne sais pas si le fait de refiler le rôle principal à un Gerard Butler fraîchement démoulé (juste avant que l’acteur ne distribue des high-kicks racistes dans 300) était une idée particulièrement judicieuse. Le malheureux lutte pour sortir trois pauvres notes et possède autant de charisme en artiste maudit qu’une escalope cordon bleu dégustée au Flunch.

Un plagiat d’Echoes de Pink Floyd ? On vous laisse juges
Paris is burning

Tokyo Tribe

Sion Sono, 2014

Jusqu’à présent mon seul véritable contact avec le hip hop japonais c’était Instargram (“IN-STARU-GLAM-WOUH”) un morceau (génialement nul) composé par WEZ, un candidat de la télé-réalité nippone Terrace House. Je ne peux pas vraiment dire que la qualité du titre m’ait donné particulièrement envie de prolonger l’expérience au-delà de cette écoute mi-amusée, mi-navrée. C’est la raison pour laquelle j’anticipais avec une très légère pointe d’anxiété le visionnage de Tokyo Tribe, une comédie musicale réalisé par Sion Sono d’après un manga que je n’ai point lu, et intégralement rappée Jacques-Demy-style par des djeunz japonais taillés comme des ablettes qui jouent les voyous de banlieue. Homme de peu de foi, pourquoi as-tu dout… Non en fait j’avais raison sur toute la ligne de craindre le pire, c’est littéralement l’ENFER.

Ça partait pourtant pas trop mal avec un long plan séquence dans les rues mal famées d’une Tokyo totalement fantasmée en repaire de fripouilles à la The Warriors (50% gangstas 50% yakuzas 50% Cirque du Soleil), qui s’affrontent violemment parce que SPOILER LES AMIS un de leurs boss a découvert au sauna que son rival avait une plus grosse quéquette que lui #mascutoxique. À la fois très esthétisant (couleurs saturées, belles ambiances urbaines nocturnes, y a rien à redire…), complètement abracadabrantesque, et, comme beaucoup de productions ciné japonaises, un peu plombé par le rendu très plat de la vidéo numérique qui lui donne parfois des faux airs de direct-to-VOD de luxe, Tokyo Tribe finit malheureusement par taper un peu sur le système malgré la présence au casting de Ryohei Suzuki, une bombasse gaulée comme un Dieu grec et huilée comme un artiste ASMR turc, qui se pavane en string ficelle sans aucune justification scénaristique…

Cats

Tom Hooper, 2019

Tu l’as probablement vu venir de loin, mais quoi de plus naturel que de finir cette sélection par le film qui a rendu littéralement MALADES les infortunés spectateurs qui ont eu le courage d’aller le voir en salles à la fin de l’année dernière. Oui, en 2019, ZE choc traumatique mondial, pire que le COVID, c’était Cats. Tout de suite, ça fait relativiser nos petits malheurs de confinés. C’est évidemment, une fois de plus, le diabolique Andrew Lloyd Webber qui est aux commandes du show original, un énorme succès à la longévité inexpliquée, que j’ai par ailleurs eu le “plaisir” de voir sur scène. Et dont les raisons qui ont pu pu pousser des producteurs sains d’esprits à en faire une adaptation pour le grand écran restent pour moi un mystère.

Évacuons tout de suite le problème évident posé par cette sensation d’uncanny valley à la limite du vomitif. Les créatures mi-hommes-mi-chats, aux organes génitaux mutilés, sont effectivement cauchemardesques, encore plus que les costumes déjà hideux du show original. Surtout cette pauvre Judi Dench, avec sa tête momifiée greffée sur un corps de vieille chatte empaillée, pendant tout le film j’ai eu envie de l’amener chez le véto pour la faire piquer. Mais la psyché humaine est ainsi constituée qu’on finit toujours plus ou moins par s’habituer aux pires horreurs.

Non, le principal souci de Cats le film vient surtout de la nature même de Cats le spectacle, qui n’est rien d’autre qu’un long poème musical dédié aux félins, sans véritable colonne vertébrale narrative. Une interminable succession de character songs dans lesquelles chaque matou est introduit au spectateur : le chat obèse, le chat bourge, le chat voyou, le chat magicien, le chat théâtreux, etc., etc. Ce qui rend déjà le spectacle particulièrement laborieux à la base, et le film, malgré l’introduction d’un nouveau personnage central qui tente vainement de créer un fil rouge TRÈS TÉNU entre les différents numéros musicaux, encore plus pénible.

Bizarrement pas assez radical dans sa nullité pour espérer pouvoir boxer dans la catégorie des futurs nanars cultes, Cats sera peut-être (soyons fous) réhabilité en tant que grand film artistiquement malade mais techniquement novateur. De là à en faire une œuvre incomprise, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas même si son réalisateur Tom Hooper menaçait de me faire exploser la boîte crânienne en me pointant un Police Python 357 Magnum sur la tempe.

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On peut difficilement faire plus traumatisant

Bonus Trax

On a vu tout ça aussi, mais on ne les a pas inclus dans la sélec’. Pourquoi ? Parce que.

High Society, Charles Walters, 1956

Ce remake chantant d’Indiscrétions de George Cukor invite les deux crooners Bing Crosby et Frank Sinatra à rivaliser de roucoulades pour séduire la glaciale Grace Kelly, à deux doigts de la retraite sur son rocher princier. En guest star, Louis Armstrong vient faire acte de présence, rouler des yeux, et montrer toutes ses dents, sans qu’on comprenne trop pourquoi il se retrouve dans ce film, en dehors d’une obscure histoire de festival de jazz se déroulant à proximité. Au final High Society n’a rien de honteux, mais tant qu’à choisir, privilégie tout de même l’original.

Gigi, Vincente Minnelli, 1958

Un musical flamboyant-forcément-flamboyant de Minnelli, adaptation hollywoodienne d’une nouvelle de Colette. Seule véritable particularité : les personnages principaux, des parisiens mondains de la Belle Époque, sont interprétés par des acteurs français bien de chez nous (Leslie Caron, Louis Jourdan et Maurice Chevalier). Un choix presque melgibsonien qui peut parfois faire saigner tes fragiles esgourdes mondialistes si tu as du mal avec zi frenche aksente. Le morceau Thank Heavens for Little Girls vantant les mérites des (très) jeunes filles, chantée par un Maurice Chevalier en mode vieux pépé lubrique, n’a par ailleurs pas SUPER BIEN vieilli. Houlala sacrés Français.

Funny Girl, William Wyler, 1968

Ou : Barbra Streisand Origins. Le biopic d’une artiste de music-hall de la fin du XIXe siècle dont le parcours est quasiment réduit à son histoire d’amour avec un joueur de poker malchanceux interprété par le moustachu Omar “le-tiercé-c’est-mon-dada” Sharif. Alors, ça passe peut-être pas le Bechdel Test, mais c’est pas mal quand même, en plus Barbra est tip-top, très drôle et pleine d’autodérision. Malgré tout on a quand même trouvé le temps un peu long… Surtout pendant les presque CINQ MINUTES (oui on a chronométré) de noir complet au début du film pour simuler l’ouverture d’un véritable show musical.

All That Jazz, Bob Fosse, 1979

Le chef-d’œuvre auto-fictionnel de Bob Fosse n’est pas totalement exempt de grosses bizarreries (un numéro musical HYPER porn, avec des danseurs en chaleur à moitié nus), mais c’est un film absolument sublime, à la réalisation kubrickienne et au montage complètement déstructuré comme un crumble. Dans le rôle principal, Roy Scheider est assez inattendu (mais très bon) en chorégraphe hétéro-folle aussi talentueux qu’insupportable, qui brûle sa vie par les deux bouts à force de se donner à fond-fond-fond dans son job, de fumer comme une locomotive, et de gober des amphétamines comme des M&Ms.

Footloose, Herbert Ross, 1984

Malgré une scène assez croquignole où l’on peut admirer le rookie mais déjà creepy Kevin Bacon se trémousser comme si sa vie en dépendait dans une usine désaffectée, Footloose n’est “techniquement” pas VRAIMENT un film musical. Et pour cause, le film raconte l’histoire (plus ou moins véridique) d’une bande d’ados d’une petite ville américaine qui se révoltent contre une loi locale qui leur interdit de danser. Du coup bah forcément, ça ne danse pas des masses, en dehors de quelques très rares occasions. Mais on rapportera toutefois l’existence d’un excellent soundtrack, surtout si tu est branché par la pop des années 80.

La playlist

Pour te remercier d’avoir tenu jusque tout en bas de la page on t’a fait une petite playlist avec les meilleures chansons. Tout n’est pas dispo sur les sites de streaming (malheureusement ?) mais on a fait le maximum.

iTunes : https://music.apple.com/fr/playlist/its-broadway-bitch/pl.u-e98lZr5fzDMBE8

Spotify : https://open.spotify.com/playlist/0a6OxCz2LzbPfCpSZq7pQ7?si=Nze8iia5QgOiSMH9ZoAm7w

Youtube (je ne sais pas si c’est forcément un cadeau pour tes oreilles mais c’est la plus complète) : https://www.youtube.com/playlist?list=PLzTrVR1XKpOIPO_ZLlRbQOJcVUZFeci4w

Le top

Si tu veux y voir plus clair dans les qualités respectives des films sélectionnés, tu peux toujours jeter un coup d’œil à mon top Senscritique ici : senscritique.com/liste/Le_cabinet_des_curiosites_de_la_comedie_musicale/2722354

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